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Une nuit au Musée Granet : David Hockney/Chapelle des Pénitents
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Une nuit au Musée Granet : de David Hockney à La Chapelle des Pénitents !

Une nuit au Musée Granet : de David Hockney à La Chapelle des Pénitents !

Nuit des Musées 2023

Part I : David Hockney
12 avril 2023

Moi aussi je comptais bien la vivre, ma nuit au musée !
Aixoise depuis quinze ans, je jetai mon dévolu sur le Musée Granet. Cet ancien prieuré, dédié aux œuvres d’art depuis plus de deux siècles, était le lieu idéal pour y passer la nuit. D’abord, j’irai découvrir l’exposition du moment : une rétrospective de l’œuvre de David Hockney ! Cette collection de la Tate fait un tabac à travers le monde. De lui, je ne connaissais que ses célèbres piscines et quelques paysages californiens mais je ne trouverai pas là.

A bigest splash, l’oeuvre la plus réputée de David Hockney !

Après avoir grimpé le long d’une fresque chronologique retraçant le parcours de cet artiste d’avant-garde, haut en couleur, et impressionnant de bonhommie, je me laissai emporter par le sens de la visite. Pour commencer, un petit thé de bienvenue. Un TyPhoo, s’il vous plaît ! Mais vous êtes fou ! Un thé, dans un musée ? Vous plaisantez ? Oh ! Hockney ! Vous êtes impayable !

Tea Painting in an Illusionistic Style, David Hockney 1961

Célia, une égérie…

Puis, au milieu d’un travail des plus prolifiques et de recherches ultra contemporaines, une première grosse émotion : Mr and Mrs Clark and Percy ! Un tableau étonnement figuratif qui s’imposait là comme une fenêtre ouverte sur le reste de l’exposition. Et, bien qu’elle ne soit pas vraiment l’incarnation de la beauté parfaite, très vite, je tombai sous le charme de Celia. Célia la rouge, de surcroit ! Comme une égérie de Schielle ou de Toulouse Lautrec…

Mr. and Mrs. Clark and Perry. 1970-1971. Ossie Clark et Celia Birtwell, une amie proche qui deviendra une muse…

Parmi ces innombrables dessins (trop, peut-être !) et ces toiles (jamais assez, assurément !), un hommage à Cézanne, un autre à Van Gogh, et moultes empreintes de Picasso. Tandis que dans le portrait bienveillant de ses parents, je perçus un petit côté Norman Rockwell.
Résolument moderne, Hockney aime aller picorer ses influences où bon lui semble, et aujourd’hui encore, à 80 ans passés, il ne cesse d’expérimenter de nouveaux procédés artistiques. De les associer : gravures grecques et PopArt, Tapisserie d’Aubusson et iPad… Rien ne l’arrête ! Et, avec la création numérique, ses supports sont de plus en plus démesurés !

David Hockney, My Parents 1977

Un endroit parfait pour y passer la nuit !

Décidemment très à mon aise dans ce décor, je cherchai un endroit où je pourrais passer la nuit.
La propreté étant proche de la Sainteté, dixit David, j’avais repéré le coin où je pourrais me doucher. Ensuite, je dinerais seule dans la grande Salle à manger de Tyler, pour enfin aller me poser sur un banc, au cœur du patio de l’Hôtel Acatlán.
Là, je rentrerai dans le vif du sujet et je laisserai venir à moi les impressions que me procurerait cette ambiance doucereuse pour me laisser happer par la multitude de perspectives qu’offre ce Moving focus.

David Hockney, Hôtel Acatlan, Mexique 1985. Moving focus

J’étais dans un drôle d’état contemplatif et en pleine projection de ma personne dans la toile, quand le gardien me posa délicatement la main sur l’épaule : « Madame, le musée va fermer, je vous invite à rejoindre la sortie !»
Il me fallait atterrir ! Je n’étais ni Leïla Slimani ni Lola Lafon. Comment pourrais-je envisager de passer une nuit complète dans un musée ? En compagnie de David Hockney ? En plus, tout le monde le sait, les femmes ce n’est pas vraiment son truc ! Il a toujours préféré le joli petit cul de Peter ! Et puis… Plonger dans la vie de David Hockney, Catherine Cusset l’a déjà fait. Que pourrais-je bien rajouter à cela ?
Pourtant, terriblement frustrée mais totalement séduite par l’artiste que je venais d’approcher, je passerai finalement la nuit dans ses bras. Sur YouTube, en enchaînant les documentaires ! On se console comme on peut !
Et vous verrez, je finirai par l’avoir ma nuit au Musée Granet !

David Hokney, Paysages numériques réalisés avec iPadiPad

Part II : La Chapelle des Pénitents blancs
21 avril 2023

Entrée Chapelle des Pénitents Blancs, Granet XXème. Aix-en-Provence

Malgré un premier échec cuisant, j’avais de la suite dans les idées. Je vous l’ai dit, je l’aurai ma nuit au Musée. Ni une, ni deux, à la Chapelle des Pénitents Blancs j’irai me planquer !
Dans la tenue de circonstance, je passerai inaperçue. Une longue tunique blanche et une impressionnante cagoule conique impactée de deux trous, pour admirer la vue. Nul doute que je me fonde dans le décor ! Tel un esprit, invisible, je me faufilerai dans ce lieu sacré. Et personne ne m’empêcherait de rester dans la maison de Dieu !

Voûtes en croisée d’ogives, Chapelle des Pénitents Blancs. Aix-en-Provence

A peine entrée, je pris conscience que la première œuvre d’art, ici, c’est cette céleste chapelle. Sous ces voûtes en croisée d’ogives, l’espace est d’une sobriété époustouflante.
Et quel accueil ! D’abord, on me tend un bouquet de fleurs ! Non signé, mais un Van Gogh ! Des glaïeuls, il me semble… Tiens, qu’est-ce qu’il fait là, celui-là ? Dans ce Granet XXème ! Ce petit tableau que le collectionneur avait acquis par miracle était à sa juste place !

Tellement de Picasso !

Perspective sur la Femme au chapeau dans un fauteuil, Picasso, 1939

Un peu plus loin, dans un fauteuil pour deux, Dora Maar et Marie-Thérèse se partagent le même chapeau et me tirent la révérence. Nous savons bien que Picasso a toujours eu le cœur entre deux chaises… Première claque !
La deuxième, malgré mon accoutrement, m’ouvrira un nouveau regard sur tout ce qui s’ensuivra. Un vrai Sauvetage ! Des bras tendus, comme une danse. Un élan du cœur qui vous sort de l’abîme. Une vague qui, telle un tsunami, vous retient en son sein.

Sauvetage, Picasso 1933

Puis un homme et une femme, en black and white. Deux visages entrelacés qui finiront bientôt en un baiser.
Toute seule dans un coin, la Femme au miroir, Jacqueline, enfermée dans le château de Vauvenargues, affiche un visage terne dont le miroir nous renvoie cependant l’image d’une beauté éclatante. D’une éternelle jeunesse. Tellement de Picasso ! J’étais ébahie d’en découvrir autant !

Nu et homme à la pipe (la conversation) Picasso, 1968

Entre rêve et réalité

Et me voilà repartie ! Entre les toiles et les visiteurs, je file… Comme Bissière, je tisse ma trame ! Je construis mon histoire. Leur histoire !
Je rêve… Un pavillon français sur mon île adorée. Le goût du sable. Un triptyque à l’œuf, comme une peinture rupestre dont irradient des rythmes de percussions africaines. À cela se mêle l’écho de guitares flamencas. Je ne sais plus dans quelle époque je me promène. Je divague dans un paysage bleu marine de Nicolas de Staël. Je traverse le pont de Meulan. Je croise une Finlandaise rougissante et rugissante. Une vraie fauve ! Je grimpe tout en haut d’une tour Eiffel qui se laisse emporter par le vent et j’ai la tête dans les nuages. Je me sens si légère, Fernand…

Lumière du matin, ou Matin de Printemps, Bissière, 1960

Verrai-je la lumière de ce Matin de printemps ? Et ce jour d’été dans L’escalier du Cannet ? Ce serait Bonnard, mais rien n’est moins sûr ! J’avais repéré mon lit ! Je suis passée et repassée devant. Là, dans un décor modeste, dépouillé de toute fioriture, trônait la collection de toute une vie. L’empreinte laissée par les rencontres qui l’ont générée. Et je comprends pourquoi Jean Planque affirmait : « J’ai mieux aimé les tableaux que la vie ! » Les tableaux étaient toute sa vie ! Sa transcendance ! Sa descendance ! Il plongeait en eux comme nous plongerions dans une piscine d’Hockney ! Alors, il s’est entouré des plus grands de son époque ! Des plus innovants !

Chambre de Jean Planche à La Sarraz

Seule au milieu des oeuvres

Dans ce lit, sous l’aquarelle de Suzanne au crépuscule de sa vie, et sous l’œil bienveillant de Marie-Thérèse, je pouvais m’allonger. Je somnolais… Tous les visiteurs s’étaient éclipsés. J’étais enfin seule au milieu de ces œuvres ! En totale abstraction de moi-même !
La Femme à la guitare me chatouillait encore les oreilles quand un bruit assourdissant vint me tirer de mon engourdissement. La femme au chat s’était-elle de nouveau décrochée ? Non, ce grondement provenait d’au-dessus de ma tête ! Ça y est, c’était la guerre ! J’étais à Guernica !
Sur la mezzanine, les taureaux d’Etrog étaient sortis de leurs cadres. Ils fumaient et enrageaient ! Ils s’en prenaient à la pièce la plus inquiétante de toute la collection : Le Tableau piège de Dubuffet. J’étais en plein cauchemar !

Homme au chapeau de Kosta Alex,

C’est alors qu’entre deux hommes à chapeau, sous les traits de Beckett, Godot est apparu ! Il me tapa vigoureusement sur l’épaule et me dit : «C’est pas la nuit des musées, ce soir ! Nous allons fermer ! Merci de bien vouloir rejoindre la sortie ! »

Si vous vous attendiez à un miracle, c’est raté ! Mais je vous promets qu’un jour je l’aurai, ma nuit au Musée !

Une Nuit au Musée Granet. Part.I : David Hockney- Montage audio

Une nuit au Musée Granet. Part II : La Chapelle des Pénitents-Montage audio

 

Texte écrit dans le cadre du défi n°7 lancé par le collectif Elles préfèrent le court : Nuit des Musées 2023

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